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The Pan African Music Magazine
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Faizal Mostrixx : l’alchimiste

Danseur et chorégraphe, DJ et producteur, passionné d’Histoire et activiste social, l’artiste ougandais Faizal Mostrixx est à l’honneur de plusieurs soirées du festival Africolor. PAM l’a rencontré à Kampala en septembre dernier, en marge du festival Nyege Nyege. 

Photo : Faizal Mostrixx par Kibazzi


Afroalien 

Multidimensionnel, Faizal Mostrixx ne s’est jamais interdit ni l’art ni l’artisanat. “Faute de moyens et d’infrastructures, il faut être vraiment malin pour survivre de son art en Ouganda” reconnaît le danseur que l’on retrouve au National Theater à Kampala – QG de prestige pour un expert ès système D. Bricoleur-né, footballeur pour un temps, Faizal Mostrixx s’est patiemment composé un vocabulaire chorégraphique très dense empruntant aux traditions ougandaises comme au breakdance et à un mélange footwork-krump-pantsula aux dosages variables. Côté musique, rythmes, motifs et instruments endémiques ne sont pas simplement transposés aux couleurs de la house ou de la techno : digérés au gré d’une poétique électronique originale, ils donnent corps à un univers afrofuturiste dont le pur esthétisme n’est pas la préoccupation majeure.

Préserver et nourrir la mémoire de l’Afrique” : c’est ce qui compte en vérité. Dans Tribal Match, premier essai discographique paru en 2017, Faizal Mostrixx sample, triture et recompose chants burundais, oiseaux, percussions baganda, flûtes ou adungu – harpe en bois du nord de l’Ouganda, avant de confirmer sa démarche un an plus tard avec Afrosist, une œuvre d’alchimiste qui pousse le curseur d’un cran vers l’abstraction électro-organique. 
 


Quelques jours après la fin de sa 5e édition, le cas du festival ougandais Nyege Nyege était débattu au Parlement : trop turbulent, trop débridé, trop inclusif, trop créatif. “
Ils ne devraient pas s’énerver comme ça, c’est quand même inouï d’avoir une telle plateforme d’expression en Afrique – surtout pour des artistes expérimentaux comme moi” tranche Faizal Mostrixx qui proposait au festival Nyege Nyege une performance totale largement plébiscitée. Costumes en peau de chèvre, masques afro-aliens, chorégraphie pour quatre danseurs, beats abrasifs et chants spectraux… Faizal Mostrixx fabrique tout lui-même et cultive une imagerie à la Sun Ra. D’ailleurs comme lui, l’Ougandais se passionne pour l’histoire des grandes civilisations africaines, de l’Égypte des pharaons aux royaumes bantous – actuellement l’Ouganda en compte quatre. 

L’histoire ancienne nous donne des clés de compréhension au présent : d’où venons-nous, qui sommes-nous ? Seulement des aliens ? Grâce à elle, nous pouvons être fiers d’être africains. Emprunter aux codes culturels et rituels de mon pays, c’est d’abord les célébrer, mais c’est aussi permettre aux miens de s’y identifier. Les réinventer avec un imaginaire afrofuturiste, c’est proposer une nouvelle mythologie à l’Afrique et inviter le reste du monde à embrasser un avenir commun” certifie Faizal Mostrixx du haut de son grand corps musculeux. Un regard neuf, mais pas déconnecté donc. 
 


Réappropriation 

Fruit d’une mère danseuse au sein d’une troupe amateure de Kampala, fille de pasteur, et d’un père collectionneur de cassettes de folk traquées dans la brousse kenyane, fils d’imam, le jeune Faizal Mostrixx a vite appris à s’adapter aux différentes pratiques religieuses de sa famille en singeant prières vers la Mecque et Rosaires en latin. “Les religions déroutent tant de gens, les jeunes et les pauvres surtout. Ici comme partout, elles ont l’effet d’un lavage de cerveau. C’est une plaie” déplore-t-il. S’il s’amuse aujourd’hui à imiter sur scène l’attitude d’un grand guide mi-cosmique mi-héroïque paré de son étonnant casque stellaire – quelque part entre La Montagne Sacrée de Jodorowsky et le prince du Wakanda de Stan Lee, le jeu n’est pas tout à fait innocent. “Spirituellement, je suis un sorcier sans confession. Je me sens très proche des pratiques traditionnelles de l’animisme africain car malgré tout, la majorité des Africains portent ce patrimoine en eux. Alors pour ne pas l’oublier, j’invite toujours les esprits de la nature sur scène, dans mes costumes et mes mouvements. C’est une question de ré-appropriation” explique-t-il avant d’ajouter : “Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’art et le mien est puissant.” Une vocation politique ? 

Sociale plutôt. Parce que sa famille comptait peu de moyens, Faizal Mostrixx a tout appris dans les pas de sa mère et grâce à des compagnies telles que Tabo Flo – cousine de l’École des Sables de Germaine Acogny au Sénégal – ou Batalo East qui orchestrent des rencontres entre maîtres de danse traditionnelle souvent issus des villages et groupes de musique urbaine. À son tour aujourd’hui, il enseigne gratuitement le breakdance deux fois par semaine au National Theater à Kampala. Faizal Mostrixx s’est aussi engagé auprès du collectif Batalo East avec lequel il réalise régulièrement des projets nomades avec de jeunes danseurs et danseuses – dont les dernières escapades chorégraphiques et musicales à Maracha (au nord) et Butaleja (à l’est) sont matérialisées depuis peu sur l’EP Kuhamahama, remixant vie de village et chants des champs pour tenter de créer un ensemble de “traditional future sounds”. Alors que l’orage éclate, saison des pluies oblige, Faizal Mostrixx nous entraîne dans les gradins de l’imposant théâtre. Dans la pénombre il chuchote : “J’apprends en transmettant et enseigner gratuitement m’élève réellement. J’ai pu questionner et remettre en cause tellement de choses en dansant qu’il me semble primordial que d’autres puissent se saisir de ce pouvoir à leur tour.” Avant de conclure : “Le corps porte les traces, il connaît toutes les réponses.” 

À 28 ans, Faizal Mostrixx formule sans cesse de nouvelles expériences à mener sur scène : un EP électro-folk nommé Ebikokyo avec la chanteuse Susan Kerunen à paraître, un duo dansé et improvisé avec l’ébouriffante vocaliste Leïla Martial ainsi qu’un duo « B2B » avec la DJ ougandaise Hibotep pour Africolor… L’énergie féminine, un nouvel élixir d’avenir pour l’alchimiste ? 

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